Et voilà… on y est. Deuxième vague. Deuxième confinement. Alors que le débat sur la culture qui n’est (ne serait) pas une denrée de première nécessitée fait rage, force est de constater qu’elle est, cette culture, l’un des biens précieux en ces temps de repli global et généralisé. Comme lors de la phase 1, les échanges par ordinateurs, tablettes et autres téléphones interposés se ressemblent : « alors, t’as regardé la saison 2 de telle ou telle série ? Oui, pas mal… » Aussi, même si ces pages sont celles des passionnés du septième art, il ne faut pas oublier que, bien souvent, derrière les films il y a des livres et que derrière les livres il y a des films. Deux mondes cohabitants, qu’il ne faudrait jamais mettre en concurrence et le temps passé au sein des foyers permet largement de nourrir ces deux modes d’expression à part égale. Ca tombe bien, le nouveau Don Winslow vient de débarquer ! Un nouveau pavé sur les cartels ? Pas directement. Un roman dédié à l’un des protagonistes phares de l’auteur ? Pas vraiment non plus. Une incartade en terre inconnue, où aucun repère, aucune borne ne dirige le fan inconditionnel de l’auteur ? Absolument pas ! Plutôt une compilation de six novellas dans le monde de l’Oncle Sam, à l’heure où ce monde en question met un genou à terre. Et cette compilation, qui tombe au moment où IL – tout le monde l’aura reconnu – a du mal à reconnaitre sa défaite, sonne à la fois comme un cri d’alarme et un constat du fait que les Etats-Unis ne sont plus bordées de frontières, mais de « grillages ». Winslow s’offre une incartade dans l’univers des novellas et ça ne confirme qu’une seule et même pensée : le Don de la littérature contemporaine est le meilleur qui existe !
Le prix de la vengeance, c’est une sorte de best of de l’univers « winslowien » au sein duquel l’auteur picore dans les moindres recoins de sa bibliographie, des plages emplies de surfeurs bronzés, aux baies paradisiaques hawaïennes, en passant par les bas-fonds où se piquent les junkies, c’est en fait l’Amérique dans tout son panel iconique que dépeint Don Winslow. Le bonhomme utilise sa plume comme l’extension d’un bras armé anti-Trump pour ridiculiser – aux côtés de Springsteen, entre autres – les velléités de l’administration américaine de briser les normes démocratiques. Par ses mots, il met en exergue les aberrations du système en cours, démystifie certains aspects de l’Americana pour mieux en glorifier d’autres, hurle son désespoir… tout en rappelant que la rédemption existe à tous les niveaux de la société. Mais au-delà de ces aspects, ce qu’il convient de retenir, c’est que Winslow est un amoureux, un romantique. Plus que tout autre chose, il bâtit avec une admiration non feinte son panel de personnages, hétéroclites, qu’il fait s’entrechoquer comme dans les meilleurs films choraux. En plein milieu d’un récit digne du roman noir à la Chandler (évoqué ici par un « Pour M. Raymond Chandler« ), il n’hésite pas à célébrer l’amour avec un grand A, en rappelant le sens littéral de l’expression « avoir le cœur brisé ». Et à l’écrivain de ponctuer son histoire par quatre mots aussi éreintants que sublimes : « le soleil se couche ».
The Boss et Winslow sont des poètes. Ils possèdent cette propension à la description de l’Americana par quelques mots choisis ; là où d’aucuns usent de pages et des pages de descriptions (« Well they blew up the chicken man in Philly last night» et on sait où on est), le duo plante le décor le temps de quelques vers emblématiques. Rien d’étonnant, donc, à ce que ledit duo se soit récemment associé pour la réalisation d’un clip sur la musique de Streets of Philadelphia. L’objectif ? Selon les propos de Don Winslow : « la compassion alors que la présente administration en manque absolument». Comme les chansons de l’album Nebraska, Le prix de la vengeance parle de la perte, au sens large du terme. Les figures mythiques (celle du cowboy, par exemple) deviennent – contre leur gré – les outils d’instrumentalisation du fascisme embryonnaire de l’ère trumpienne.
Cambrioleurs de haut vol, flics intègres ou pourris, fugitifs et même dealers cool, Don Winslow fait cohabiter certains des personnages de ses précédents romans aux côtés de parfaits inconnus. De flamboyants inconnus : beaux, moches, gros, musclés, héroïques, « loosers » ou encore iconiques… mais tous profondément humains. Les surprises fusent page après page (comme d’habitude à un rythme effréné) sans qu’à aucun moment les ambitions clairement humanistes du projet ne soient mises à mal. Mieux, le clou du spectacle se nomme La dernière chevauchée : elle prend la forme d’une équipée sauvage, furieuse, enragée et engagée… bien plus parlante que les nombreux essais journalistiques sur ce qui se passe à la « fameuse » frontière. Un récit bouleversant, qu’on sent guidé par les entrailles de l’auteur et qui met son lecteur à genou. Sans aucun doute le plus magnifique texte dédié à l’immigration dans la littérature fictionnelle.
Le prix de la vengeance n’est rien de moins qu’un pavé complémentaire du meilleur créateur de romans noirs en activité, et plus largement le geste engagé d’un auteur incontournable et nécessaire. Du grand art !
Et nous ne sommes pas les seuls à le penser… Ci-dessous, quelques morceaux choisis de ce qu’en pensent la presse et les pairs du Don :
« Vous ne pouvez pas demander à [un livre de] divertissement d’être plus émouvant » Stephen King
«Le maître des sensations fortes utilise sa portée pour montrer les dents. . . [Winslow est] un écrivain par lequel les apprentis peuvent ingurgiter les ficelles du métier » New York Times
«C’est un maître» Michael Connelly
«L’une des grandes réalisations littéraires du siècle à ce jour» Daily Telegraph
«Une telle écriture policière ne mérite rien de moins qu’un prix Pulitzer» Evening Standard
«Un nouveau classique du crime… un roman émouvant et formidable» Sunday Times
« Un plaisir à lire » The Times
«Brutal et brillant, c’est le Game of Thrones du crime» Sun
«Un roman furieux et passionné» Washington Post
«Dévastateur et d’actualité… un hybride entre Le Parrain et Guerre et Paix» New York Times