La semaine dernière, S&P Global – une entreprise américaine basée à New York et spécialisée dans l’information et l’analyse financière – a revu son positionnement à la baisse quant à la cote de crédit des cinémas AMC. Alors que ces derniers étaient classés B (hautement spéculatif, en jargon financier) avant l’expansivité de la chaîne, ils viennent de voir leur grade dicté par les costards-cravates passer à « en défaut imminent, avec peu de perspectives de reprise ». En des termes beaucoup plus clairs : il y a de fortes chances pour que les cinémas AMC ne ré-ouvrent pas leurs portes après la crise du « covid 19 ». Si ces prédictions s’avéraient pertinentes, il faut probablement se préparer à ce que cette décadence ne soit pas une décadence solitaire et isolée… « Plus dure sera la chute », comme qui dirait.
Alors que Donald Trump estime pouvoir « ré-ouvrir la quasi-totalité des entreprises américaines d’ici le 30 avril 2020 », beaucoup de scientifiques et autres spécialistes de la santé estiment que la situation sanitaire sera catastrophique jusqu’à l’été. En cette période pour le moins troublée, à tous les niveaux, les analystes financiers sont bien loin de manquer d’activité. Parmi eux, S&P Global, qui vient de déclarer : « Nous prévoyons que les cinémas AMC, d’ AMC Entertainment Holdings Inc. resteront fermés au-delà du mois de juin et ce en raison de l’impact des événements mondiaux actuels. » Et aux spécialistes d’enchérir en expliquant qu’ils considèrent purement et simplement qu’« AMC [ne] dispose [pas] liquidités suffisantes pour couvrir ses flux de trésorerie qui seront largement négatifs d’ici le milieu de l’été, et [qu’ils] pensent que la société violera probablement les termes de ses engagements financiers lorsqu’arriveront les échéances fiscales du 30 septembre 2020. Sans dérogation ou prêteurs, bien sûr. »
Il n’échappera à personne qu’AMC est/était la plus grande chaîne de cinémas de l’Amérique du Nord. Mais, comme beaucoup de grandes entreprises, AMC fonctionne à flux tendu et joue en permanence d’une dette… qui ne peut qu’empirer durant une période où les cinémas sont fermés pour cause de crise sanitaire. Mais se focaliser sur la situation d’AMC reviendrait à ne voir que l’arbre qui cache la forêt. Bien évidemment, cette situation pourrait concerner d’autres grandes chaînes (il se murmure que des magasins comme Macy’s et The Gap seraient en grand danger), et sonne comme un sinistre écho dont les répercussions seront forcément internationales. Comme une confirmation de ces considérations, AMC vient de déclarer un déficit de plus de 5 milliards de dollars à la fin de 2019 et des pertes de 149 millions de dollars pour l’année en cours. Quid, au regard de ces chiffres nets et précis, de la situation de nos cinémas – indépendants ou autres – à l’échelon du territoire national ? Le CNC a bien annoncé des plans de sauvetage de l’industrie mais ceux-ci n’ont, à l’heure où sont rédigés les présentes lignes, rien de concret.
Quoi qu’il en soit, les hauts dirigeants d’AMC ont annoncé procéder prochainement à « d’importantes coupes salariales pour que tout reste à flot aussi longtemps que possible ». En outre, la société a mis en congés forcés 600 employés de l’entreprise. Les analystes de S&P ne sont pas convaincus de l’utilité de ces mesures à long terme. Ils affirmaient dans un récent rapport : « Même après avoir considérablement réduit ses coûts fixes et ses dépenses en termes d’investissement, nous nous attendons à ce que les sources de liquidité de la société n’aillent pas au-delà du milieu de l’été […] La société tentera probablement de trouver un financement complémentaire via son prêteur, mais il n’est pas évident que des liquidités lui seront à nouveau accordées. »
Le fait qu’AMC réussisse à obtenir un financement codicillaire dépendra forcément du moment du retour à la normale… Un moment hautement flou pour le monde entier, à l’heure actuelle. Le fait que, globalement, les dirigeants gouvernementaux choisissent la voie humaniste visant la sauvegarde des vies humaines est à saluer sans la moindre réserve – de nombreux spécialistes rappellent que la grippe asiatique avaient fait entre 1 et 4 millions de morts entre 1957 et 1958, et que personne n’avait parlé de confinement. L’heure est en toute logique à un soutien sans faille aux héros du quotidien. Néanmoins, la question est sur toutes les lèvres de ceux qui ruminent durant leur confinement : à quoi ressemblera le jour d’après ?