“On ne les fait plus comme avant” ! Tel un écho au célèbre adage, un réalisateur a l’actualité brulante prend la parole. Chris Sanders, réalisateur du très attendu Robot sauvage de DreamWorks (qui a déjà participé à des chefs-d’œuvre tels que Dragons), vient de lever le voile sur une problématique qui, a priori, agite le milieu : pourquoi tant de films d’animation des années 90 et 2000 semblent-ils tous se ressembler ? Selon le principal intéressé, aussi importants que soient Toy Story, Shrek, L’Âge de glace ou encore La Véritable Histoire du Petit Chaperon rouge, leur animation ne tiendrait pas la route par rapport aux autres volets de leurs franchises respectives… et plus largement par rapport aux films d’animation en 3D contemporains. Certes, il faut tenir compte du fait que tous sont le fruit de technologies réellement ancrées dans leur époque, mais le cinéaste va plus loin en affirmant que : “cette uniformité serait aussi le résultat de studios trop pressés d’embrasser la technologie du moment”, sacrifiant par là même une partie de leur “individualité créatrice”.
C’est donc dans une interview accordée à Vulture à propos de The Wild Robot, que Chris Sanders a pris le temps de revenir sur l’évolution des films d’animation et d’expliquer pourquoi ceux des années 90 et 2000 partageaient un style visuel si uniforme. Avant la révolution des images de synthèse, largement popularisée par les magiciens de Pixar, l’animation traditionnelle offrait aux créateurs une liberté artistique presque sans limites. Chaque film, et plus largement chaque équipe créatrice, pouvait développer sa propre identité visuelle. Mais avec l’arrivée de l’animation 3D, les studios hollywoodiens se sont précipités, tels des pies face à des objets clinquants, sur cet outil informatique dès lors utilisé en masse. Résultat : les animateurs ont dû s’adapter aux contraintes techniques imposées par une 3D finalement bridée par les possibilités logiciels, sacrifiant une partie de leur liberté de création. Selon Sanders, cela a profondément marqué l’ère et il l’explique ainsi : “À l’époque, il était relativement facile et passionnant de changer le style d’un film. Nous avions toujours des styles différents, en fonction du type de projet que nous faisions. Mais lorsque les images de synthèse sont apparues, nous avons été gravitationnellement obligés d’adopter ce style spécifique, simplement parce que la technologie ne nous permettait pas d’y échapper. Tout le monde dans l’animation a souffert de cette situation, car nous avions perdu la capacité d’être aussi dynamiques et surprenants visuellement qu’auparavant.”
Bien que la qualité visuelle de l’animation 3D ait fait d’énormes progrès au fil des ans — on peut encore saluer les innovations colossales portées par Pixar lors de la réalisation de films comme Le Monde de Nemo et Monstres et Cie —, de nombreux films 3D continuent de partager des similitudes stylistiques. Toujours, selon Chris Sanders, tout a changé avec la sortie de Spider-Man : Into the Spider-Verse, qui a véritablement révolutionné le médium. Il raconte : “Lorsque nous avons découvert Spider-Man : Into the Spider-Verse, cela a été une véritable révélation. Quelqu’un avait enfin échappé à cette attraction gravitationnelle ! Chez DreamWorks, nous avons rapidement suivi avec Bad Guys et Puss in Boots : The Last Wish. Nous avons alors parcouru un chemin fascinant, nous éloignant des conventions très contraignantes des images de synthèse habituelles. Je me demandais vraiment jusqu’où nous pouvions aller après cela.”
Alors que l’évolution technologique de la 3D est indubitable, l’essor de l’intelligence artificielle commence à susciter des débats sur son impact potentiel (voire immanquable) sur l’avenir de l’animation. Bien que l’IA soit encore largement méprisée par une grande partie de l’industrie et du public, les dirigeants des studios ne manquent pas d’opportunités pour réduire leurs coûts… Et l’IA représente forcément un facteur d’économie, peu importe les conséquences, conséquences qui semblent d’ailleurs être une préoccupation secondaire pour les fameux “costards-cravates” de l’Entertainment. Dans le cas de The Wild Robot, un film où l’IA occupe une place centrale, Chris Sanders a étonnamment affirmé que le projet était le “plus humain que tout ce sur quoi [il a] travaillé depuis l’avènement de l’image de synthèse.”
Pour rappel, Le Robot sauvage met en vedette Lupita Nyong’o, Pedro Pascal, Kit Connor, Bill Nighy, Matt Berry, Catherine O’Hara, Mark Hamill, Stephanie Hsu, Ving Rhames, et bien d’autres. Basé sur le roman de Peter Brown, le film suit l’incroyable épopée d’un robot – l’unité ROZZUM 7134 alias “Roz” – qui après avoir fait naufrage sur une île déserte doit apprendre à s’adapter à un environnement hostile en nouant petit à petit des relations avec les animaux de l’île. Elle finit par adopter le petit d’une oie, un oison, qui se retrouve orphelin.