Mais que fait la critique d’un album sur DCPmag ? direz-vous ! Eh bien la réponse est simple : nous parlons d’un album de Mogwai, le groupe – dont le nom fait, presque par hasard, référence à Joe Dante – qui a signé les bandes originales de Kin, Les Revenants, ZeroZeroZero, The Foutain, ou encore Zidane, un portrait du XXIe siècle. Mais c’est aussi et surtout le groupe qui vient ponctuer le sublime Miami Vice du grand Michael Mann. Bref, vous l’aurez compris… objectivement et subjectivement, on parle de l’une des plus grandes formations musicales en activité, et elle méritait bien quelques mots sur son dernier effort.
Notre avis : Tout le monde le dit : « Mogwai est l’un des plus grands groupes de post-rock actuel ». Mais Stuart Braithwaite et ses comparses n’ont que faire de ces étiquettes qu’on leur colle ; pour eux, l’important reste de faire ce qui leur plait. Et depuis le milieu des 90’s, les Glaswégiens sont d’une prolixité qui n’a, à aucun moment, eu raison de leur créativité ou de leur intégrité artistique. Fort d’une discographie composée de 10 albums officiels, de moult singles, d’EP, de live et autres bandes originales, le moins que l’on puisse dire, c’est que les Mogwai ne chôment pas !
Pourtant, la question pourrait légitimement se poser : « cette activité débordante a-t-elle eu raison de l’inspiration du groupe ? Ces animaux nocturnes, que les Inrocks nomment les créateurs de « bande-son idéale pour des rêveries diurnes » (vous avez dit Michael Mann ?), sont en fait devenus de véritables porte-étendards de l’acte créatif alternatif. « Soucieuse de garder son indépendance, la formation [qui] crée dès ses débuts son propre label Rock Action » vient d’offrir aux fans As The Love Continues, un dixième album studio qui, tel un point d’orgue, marque de son empreinte indélébile l’année et symbolise, par là même, la plus belle composition musicale de la période (post ?) Covid.
Comme une histoire en trois actes faite de notes, de sons, de distorsions et d’explosions acoustiques, As The Love Continues plonge son auditoire dans le vif du sujet avec une introduction dont la mélancolie rappelle que l’optimisme découlant du nom de l’album est parfois (souvent) antinomique avec l’époque dans laquelle il s’inscrit. Tour à tour triste, joyeux, énervé, mais toujours sous le coup d’une palette (sonore) chromatique riche et variée, ce nouvel effort est tout simplement la restitution de l’état d’esprit d’un monde qui vient de basculer dans l’ère de l’inconnu, un monde où le maître mot demeure « distanciation sociale ». Un comble, pour un groupe qui se nourrit littéralement de l’énergie des concerts live.
Quoi qu’il en soit, As The Love Continues est un album de faux-semblants, une élégie qui opte pour un son pop tel que celui de Ritchie Sacramento pour évoquer des « années [qui] ont été difficiles ». De l’avis de Stuart Braithwaite, « il y a beaucoup de gens avec qui nous avons joué et avec qui nous étions amis qui ne sont plus là maintenant. Cette chanson parle de ces gens, de conversations imaginaires… et de Dave Berman qui lance une pelle sur une voiture de sport ! » Bardé d’une telle puissance suggestive qu’il fait naitre des images iconiques et cinématographiques, le dernier album de Mogwai n’est pas que pop, il est aussi, comme souvent chez la formation post-rock, d’une tristesse infinie. Dans le cadre de Miami Vice, les notes des écossais venaient rendre aérienne la scène du début « d’une histoire… mais déjà sa fin » (nous paraphrasons ici Jean-Baptiste Thoret). Si ce dixième album semble pour sa part s’inscrire dans une ère inconnue (le groupe a travaillé à distance avec son producteur Dave Fridmann, et c’est une sacrée première pour eux), le début d’une nouvelle histoire, donc, il scande que « tant que l’amour perdure »… l’être humain est en phase avec sa nature. Avec son diptyque composé de Every Country’s Sun et de As The Love Continues, Mogwai est au sommet de son art, il(s) signe un duo de chef-d’œuvres qui emporte tout sur son passage. Incontournable pour ceux qui aiment la musique, l’art, le cinéma, l’être humain, les histoires belles et tristes à la fois…