Rapidement étiqueté – et visiblement pour toujours – groupe Pop à la Synthpop sucrée, Future Islands ne serait-il qu’un habile répéteur de formule imparable ? Les critiques et/ou les apôtres de la mauvaise foi, fondent souvent sur le quatuor américains en arguant du fait qu’il ne s’agit pas vraiment d’un groupe, mais plutôt de trois musiciens encadrant leur (ultra) charismatique leader. Mais ce qu’il y a de bien avec Future Islands, c’est qu’ils n’ont nul besoin d’être adoubé. Car peu (pas) de groupes possèdent une telle aura auprès des fans : les véritables êtres humains à qui leur musique se destine. Quoi qu’il en soit, les Baltimoriens viennent de livrer un nouvel opus – sublime – qui prouve, s’il en était besoin, que la formation officiellement agrémentée de l’excellent batteur Michael Lowry, est au sommet de son art ! Et à ceux qui, comme pour la critique du As The Love Continues de Mogwai, se demandent la raison de la présence d’un album sur DCPMag, celle-ci est plutôt simple ! Future Islands est un groupe hautement cinématographique. Pour preuve, la seule scène réussie de Titane est la scène de danse sur le Light House du groupe. Chaque morceau étant une plausible BO de film, il nous semblait évident de glisser quelques lignes en ces lieux.
Vous attendez inlassablement l’apparition de l’un des disques de la décennie ? Vous pouvez stopper les recherches.
La question de l’évolution chez Future Islands est une hérésie. Chez eux, il n’est pas question d’évolution musicale, mais bel et bien de raconter, année après année, des histoires, des tranches de vie, en un mot comme en cent, de questionner une humanité à laquelle chaque morceau fait écho. Mais que personne ne doute, la formule est aussi intacte qu’une recette antédiluvienne : l’interprétation magistralement habitée de Samuel T.Herring, mélangée au passage d’un spleen abyssal à l’émerveillement face aux beautés de la terre en un claquement de doigts, le tout mâtiné d’une composition de morceaux peaufinés jusque dans leurs moindres recoins. Bien loin de se reposer sur ses acquis, le quatuor (car, insistons, il s’agit bel et bien d’un groupe) fait évoluer ses sonorités par petites touches ; petites touches presque imperceptibles pour les non-initiés. L’écho – plus marqué que jamais – de l’album, s’orne pour le coup d’une dimension quasiment divine, métaphysique, à la puissance évocatrice hallucinante. People Who Aren’t There Anymore est probablement le disque le plus profond des Baltimoriens. Philosophique, intellectuellement préoccupé, sincère et poétique, les 12 pistes déroulent une envie de “signifiant” de tous les instants. Une simple note, une boucle, un effet de basse ou encore une intonation gutturale de Herring suffisent à doter la création d’une cohérence entre la forme et le fond que pas un seul album ne saurait actuellement concurrencer.
Autant interprète que chanteur, donc, Samuel T. Hering donne un sens à chaque parole, chaque intonation (il faut voir le résultat sur scène, sans aucun équivalent dans le monde des concerts live).
Le bonhomme raconte à son auditoire des histoires touchantes, bouleversantes, qui rendent palpables les célèbres maximes telles que “qui vivra verra”. Toujours prêt à sortir de ses gonds, Herring raconte la vie par le prisme d’un hypersensible dont les paroles déchirent parfois la voix, qui ploie quand la prise de conscience est trop violente (aux personnes qui ne sont plus là…). S’ajoute à cela le fait que les beautés sonores de l’album sont permanentes, des nappes mélancoliques et aériennes du chef-d’œuvre Corner Of My Eye, de la construction par ajouts successifs de couches instrumentales du, non moins superbe, The Thief, ou encore le lourd et énervé Give Me the Ghost Back (“La terreur est une longue nuit noire”)… Impossible de ne pas relancer le disque de manière obsessionnelle et de découvrir, écoute après écoute, les subtilités disséminées à droite à gauche.
Au final, People Who Aren’t There Anymore prouve que Future Islands n’a aucune concurrence sur son créneau, de toute façon impossible à étiqueter. Plus grand groupe alternatif en activité, admiré par ses pairs (Bono a qualifié Waiting On You de “miracle”), la musique de Herring et ses comparses possède à présent la force des plus grands : un mélange d’humilité et de technicité (hallucinant son de basse-batterie) mis en exergue par une production hors pair. Avec cette croyance naturelle en en son art, le groupe n’a plus qu’à dérouler un programme habité qui fait, rien moins, qu’évoluer le monde de la musique dans son ensemble (il est important de se rappeler comment ils sont passé du statut de groupe de niche à phénomène sur le plateau de Letterman). People Who Aren’t There Anymore est au bas mot l’un des albums de la décennie. En cette période de nivellement par le bas généralisé, c’est dire si la pièce du quatuor est précieuse. Une merveille !