Il y a presque vingt ans, Juan Carlos Fresnadillo prenait le relais du tandem Boyle/Garland pour livrer ce qui allait devenir l’une des suites les plus viscérales et brillamment exécutées du cinéma d’horreur moderne. 28 Semaines Plus Tard, suite directe du déjà marquant 28 Jours Plus Tard, ne se contente pas d’élargir l’univers post-apocalyptique lancé par Boyle : il le transcende, le radicalise et, osons le dire, le supplante.
Loin de la lenteur cadavérique des zombies romerien, ici, tout va à cent à l’heure — infection, désintégration sociale, chute de l’autorité. Il ne s’agit pas de morts-vivants mais d’infectés, contaminés par un virus de type rage qui ne laisse derrière lui que chaos et frénésie. Il est crucial de rappeler cette distinction, tant elle inscrit le film dans une tradition propre, celle d’un cinéma d’infectés, plus nerveux, plus contemporain, plus désespéré aussi (voir également l’excellent L’Armée des morts).

Dans un monde encore sous le choc du Covid, cette œuvre mérite d’être réévaluée à l’aune de notre expérience collective.
Dans 28 Semaines plus tard, on trouve une critique à peine voilée de la réponse militarisée face à une épidémie hors de contrôle. Le « code rouge » — évoqué par un Idris Elba glacial — est censé « tuer le virus » en éradiquant toute présence humaine potentiellement contaminée. Une solution terminale, aussi brutale qu’inutile. Car chez Fresnadillo, l’ordre échoue, la technologie échoue, et même la compassion finit par se heurter aux limites de l’effondrement total. Le film est traversé de fulgurances visuelles, nerveuses, déchiquetées, portées par une mise en scène chaotique… mais d’une précision clinique ! Fresnadillo capte l’urgence, l’horreur, mais aussi une forme d’abandon total. Les séquences nocturnes sous vision infrarouge, les transitions brutales, la partition déchirante de John Murphy : tout respire la maîtrise d’un artisan qui refuse de faire dans le tape-à-l’œil pour privilégier l’efficacité sensorielle.

Mais 28 Semaines Plus Tard ne se contente pas d’être un rollercoaster sanglant : il avance masqué, avec une densité symbolique inattendue.
Robert Carlyle, glaçant, y incarne une figure paternelle fuyante, hantée par la culpabilité — une présence spectrale qui traverse le film comme un rappel constant que l’origine du désastre est humaine, trop humaine. Dans ce récit d’effondrement, les structures sociales résistent, se répliquent, pour mieux exploser. Il faut tuer le père, littéralement et symboliquement. Ajoutez à cela un Jeremy Renner excellent en soldat mutin, une tension permanente, un art du cadre et du découpage chirurgical… et vous obtenez bien plus qu’un bon film de genre. C’est une pièce maîtresse du cinéma d’anticipation moderne. Une œuvre qui, sous couvert de série B, vous enfonce dans le fauteuil et vous balance à la figure tout ce que le cinéma de studio a oublié : comment parler du monde, en images, sans prêcher ni surligner. Virtuose ? Clairement… et bien plus !
