La suite avortée de True Lies : un rêve que Jamie Lee Curtis n’a jamais abandonné

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La lauréate d’un Oscar, Jamie Lee Curtis, n’a jamais caché son désir de retrouver Helen Tasker, l’épouse ordinaire révélée à elle-même dans le tourbillon d’espionnage et d’action de True Lies. Face à Arnold Schwarzenegger et sous la direction du légendaire James Cameron, en pleine possession de sa virtuosité (une virtuosité qui ne l’a d’ailleurs jamais quitté), elle avait offert au public l’un de ses rôles les plus mémorables, entre comédie, sensualité et action menée pied au plancher. Aujourd’hui surtout associée à son héritage dans la saga Halloween, Curtis n’en demeure pas moins habitée par l’envie de revisiter ce personnage qui, selon ses propres mots, a « profondément » transformé sa vie et en tant que fans d’Actionner des glorieuses années la nôtre !

Ces dernières années, Jamie Lee Curtis a revisité ses figures passées, réinvestissant tour à tour les univers d’Halloween et de Freaky Friday. L’actrice oscarisée retrouve avec plaisir ses incarnations d’autrefois… Mais interrogée par Entertainment Tonight, elle a évoqué la possibilité de raviver un autre souvenir de cinéma : celui d’Helen Tasker, héroïne du génial True Lies. « J’ai toujours espéré qu’Arnold [Schwarzenegger] et moi puissions refaire True Lies. Je ne pense pas que cela arrivera, car cela ne pourrait se faire que si Jim Cameron écrivait le scénario. Je ne pense pas que nous le ferions sans lui. Ce film a évidemment changé ma vie de manière significative. » L’histoire de True Lies 2 aurait pourtant pu s’écrire autrement. À la suite du triomphe du film original, James Cameron avait entamé des discussions pour une suite, avant de se tourner vers un autre projet : Titanic. Le succès planétaire et inoubliable, couronné d’Oscars et gravé dans l’imaginaire collectif (voir le Top de Marion), repoussa indéfiniment le retour du duo Curtis–Schwarzenegger. Le cinéaste relança brièvement l’idée au début des années 2000, les deux acteurs ayant même signé pour reprendre leurs rôles. Mais les attentats du 11 septembre changèrent radicalement la donne. « Nous avons tous ressenti ce sentiment de dévastation. Ce n’était tout simplement plus drôle », confiait Cameron. « J’ai essayé, nous avons travaillé sur un scénario pendant un certain temps. Mais si nous ne pouvions pas le rendre drôle, cela ne valait pas la peine. »

James Cameron, Arnold Schwarzenegger et Jamie Lee Curtis réunis sur le plateau de True Lies © Twentieth Century-Fox Film Corporation
James Cameron, Arnold Schwarzenegger et Jamie Lee Curtis réunis sur le plateau de True Lies © Twentieth Century-Fox Film Corporation

True Lies est peut-être le film le plus sous-estimé de James Cameron, et pourtant…

Fort du triomphe planétaire remporté dans une autre suite signée James Cameron — Terminator 2 : Le Jugement dernier — Arnold Schwarzenegger allait pourtant connaître, peu après, l’un des épisodes compliqués de sa carrière. En 1993, Last Action Hero, ambitieux projet méta (que l’on adore chez DcPMag) et autothérapie par un autre cinéaste culte du cinéma d’action (McTiernan), divise profondément la critique et échoue à conquérir le box-office, en dépit du statut alors quasi mythologique de son interprète principal. L’acteur autrichien, conscient de devoir retrouver dans la foulée un succès à la hauteur de sa légende, va alors renouer avec le cinéaste qui avait fait de lui une icône : James Cameron. True Lies, sorti en 1994, marque ainsi une nouvelle collaboration majeure entre les deux hommes – devenus amis. Avec un budget de 120 millions de dollars — l’un des tout premiers films à franchir la barre symbolique des 100 millions —, Cameron signe un projet d’une ampleur inédite, à la croisée du film d’espionnage, de la comédie et du pur Actionner. Le pari s’avère payant à tous les niveaux : le film récolte 379 millions de dollars dans le monde et s’impose comme un modèle de divertissement total, alliant virtuosité technique, humour irrésistible et souffle épique. Sous la caméra de Cameron, True Lies devient une sorte de réponse américaine à James Bond, portée par un Schwarzenegger à son apogée dans le rôle de Harry Tasker, espion infiltré menant une double vie entre missions explosives et mensonges conjugaux. Le film, drôle, palpitant, peuplé de répliques toutes plus cultes les unes que les autres, transcende le simple divertissement pour atteindre une forme de perfection dans l’exécution : chaque séquence d’action — qu’il s’agisse de la poursuite en moto sur les toits ou de l’affrontement final suspendu à un avion de chasse — semble conçue pour repousser les limites du possible. Et le résultat impressionne jusque dans les sphères les plus exigeantes : Stanley Kubrick lui-même, admiratif, aurait confié son amour du film à James Cameron. Preuve, s’il en fallait, que True Lies, derrière ses dehors de blockbuster pyrotechnique, incarne une certaine idée du cinéma total — spectaculaire, enlevé et d’une précision de mise en scène rarement égalée. Du James Cameron, quoi…

Dans la séquence centrée sur le personnage incarné par Bill Paxton, c’est James Cameron lui-même que l’on peut entendre prêter sa voix au pilote d’hélicoptère, lâchant la réplique devenue culte : « Elle a la tête sur les genoux du mec, Yahoo ! »
Dans la séquence centrée sur le personnage incarné par Bill Paxton, c’est James Cameron lui-même que l’on peut entendre prêter sa voix au pilote d’hélicoptère, lâchant la réplique devenue culte : « Elle a la tête sur les genoux du mec, Yahoo ! » © Twentieth Century-Fox Film Corporation

« C’est ça le problème avec les terroristes, ils n’ont aucun respect pour la vie privée des gens. »

Non seulement True Lies demeure le film le plus sous-estimé de James Cameron, mais rares sont les œuvres de cette époque à avoir aussi bien résisté à l’épreuve du temps. Il appartient à un moment singulier du cinéma hollywoodien, celui où les studios osaient encore produire des films d’action à la fois monumentaux et sincèrement ambitieux. Aujourd’hui, la plupart des séquences spectaculaires seraient générées par une surenchère de CGI interchangeables, où les mêmes plugins se répètent de production en production. En 1994, pourtant, alors que l’image de synthèse commençait à s’imposer comme l’outil d’une évolution du langage cinématographique, Cameron parvenait déjà à en faire un usage mesuré, organiquement intégré à sa mise en scène « live ». Sa vision, fondée sur un équilibre presque artisanal entre effets pratiques et incrustations numériques, n’a jamais été prise en défaut. Mieux encore : elle conserve, trente ans plus tard, une intégrité formelle exemplaire. True Lies s’impose ainsi comme une célébration du cinéma d’action dans ce qu’il a de plus pur, une déclaration d’amour à un genre souvent dénigré, ici sublimé par une réalisation d’une précision d’orfèvre. Et si, par miracle, l’équipe d’origine venait un jour à se reformer, nul doute que nous serions parmi les premiers à guetter le projet — comme on veille un feu qu’on refuse de voir s’éteindre !

True Lies

Jamie Lee Curtis dit du film : « sans aucun doute, la plus belle expérience de ma vie professionnelle jusqu’à présent »

Auteur/autrice

  • Nicolas Lochon

    Directeur de cinéma en Hauts-de-France - Rédacteur en chef pour DcP Mag