Après avoir erré des années dans les limbes du développement, The Long Walk (rebaptisé Marche ou crève en VF) s’apprête enfin à faire chauffer le bitume en salles obscures, avec une sortie calée au 12 septembre 2025. Ce cauchemar dystopique signé Stephen King — rédigé à l’époque sous le pseudonyme de Richard Bachman — va donc enfin connaître l’adaptation ciné que les fans espéraient depuis des lustres. Et à en juger par les premières images (austères, oppressantes, plutôt efficaces), Francis Lawrence (Constantine, Hunger Games) semble avoir opté pour la voie du respect du matériau d’origine. Une spécificité dans le royaume parfois approximatif des adaptations kingiennes. Le cinéaste n’a d’ailleurs pas eu la tâche facile : avant même de dérouler ses plans sous tension, il lui a fallu franchir un checkpoint de taille — convaincre le maître de l’horreur lui-même. Oui, Stephen King a lu, vu… et validé !
Francis Lawrence, artisan du Constantine sous acide (sic) et capitaine de la saga Hunger Games, n’en est donc pas à son premier détour dans les territoires jeunes, hostiles et dystopiques. En pleine promo de The Long Walk, il confiait récemment à Den of Geek à quel point l’ombre de Stephen King planait déjà sur ses pas lorsqu’il mettait en scène Katniss et consorts : « Il est impossible de ne pas penser à The Long Walk quand on bosse sur un projet comme Hunger Games », admet-il. Mais cette fois, pas question d’arène télévisée ni de rébellion adolescente : Marche ou crève, c’est l’os à nu. Ce qui l’a toujours fasciné ? « La camaraderie entre ces jeunes hommes. La violence, la peur, la mort… mais surtout, ces liens puissants qu’ils tissent entre deux cadavres. » Sur le papier, le projet nécessite un regard profondément humain sur une mécanique inhumaine. Écrit par JT Strange Darling Mollner, le script a lui-même survécu à un petit walk of death de près de 30 ans, en passant entre les mains de deux poids lourds du genre : George A. Romero et Frank Darabont — tous deux recalés par les caprices du development hell. Mais le binôme Lawrence-Mollner a fini par franchir la ligne d’arrivée. Encore fallait-il convaincre le King. Et là, le réalisateur raconte avoir traversé son propre tunnel de cauchemar : « Il fallait qu’il nous valide, moi, JT, le script… tout. Le moment où on lui a envoyé le scénario, c’était probablement la partie la plus flippante. On avait fait quelques ajustements, et évidemment, on se demandait s’il allait nous allumer. » Finalement ? « Il a adoré. Il a même voulu en discuter. On a eu un très bon échange, il a vraiment aimé le film. » Et si Stephen approuve, qui oserait encore se plaindre ?

The Long Walk : une adaptation au pas… de l’enfer
Publié à l’origine sous le masque paranoïde de l’alter ego Richard Bachman, The Long Walk est l’un des romans les plus glaçants et nihilistes de Stephen King – un proto-Battle Royale écrit à l’époque où l’auteur carburait à la caféine, à la rage et à l’idée que l’Amérique courait droit dans le mur. Un roman en or ! L’adaptation colle au plus près de cette dystopie implacable : un futur où des adolescents se lancent chaque année dans une marche mortelle, à raison d’un pas après l’autre, sans arrêt, sans pause, sans pitié. S’arrêter ? C’est un avertissement. Trois avertissements ? C’est une balle dans la nuque, cadeau du gouvernement qui orchestre ce spectacle sacrificiel avec la froideur d’un bourreau en série. Une métaphore brutale de l’ultralibéralisme ? Un cauchemar fascistoïde ? Ou juste un King au sommet de sa forme ? Peut-être tout ça à la fois.

Le roman est sorti en 1979… mais ce n’est qu’en 2006 que Francis Lawrence a croisé la route de The Long Walk.
« C’était étrange », confie Francis Lawrence, l’œil encore voilé par presque deux décennies de frustration cinématographique. « Akiva Goldsman, avec qui je bossais sur I Am Legend, m’a filé le bouquin. Je ne connaissais pas. Il pensait que j’allais aimer… et que ça ferait un sacré film. » Il avait raison sur les deux points : Lawrence dévore The Long Walk, tombe raide dingue, et le propulse direct au rang de meilleur King dans son panthéon personnel. Mais le sort en a décidé autrement : les droits étaient alors entre les griffes de Frank Darabont (déjà responsable des fabuleux Les Évadés et The Mist), et ce qui devait être une adaptation rapide s’est mué en serpent de mer. Pendant 19 ans, Lawrence assiste au va-et-vient infernal de rumeurs, d’annonces mortes-nées et de projets enterrés vivants. Jusqu’à ce jour presque mystique : « Je passais dans le couloir, et je vois l’exemplaire du bouquin posé sur une étagère. Celui que j’avais filé à mon fils. Et là, bam, comme un flash : Mais au fait, c’est devenu quoi, The Long Walk ? » Quelques heures plus tard, Roy Lee (producteur de It, entre autres joyeusetés kingiennes) l’appelle et lâche la bombe : « Tu veux toujours le faire ? Parce que j’ai les droits. » Le destin ? Un hasard de bibliophile ? Peut-être. Mais surtout un alignement karmique rare !
