Josh Brolin pense avoir compris pourquoi Sicario: Day of the Soldado (Sicario : La Guerre des cartels, pour la VF) n’a pas été aussi populaire que son prédécesseur.
Hollywood cultive depuis bien longtemps la tradition des suites qui creusent le sillon d’un film à succès pour, tout simplement, tirer profit de la popularité de l’original. Cette stratégie n’est pas forcément toujours payante et dans la catégorie des exemples, on peut citer le génial Sicario et sa suite Sicario : La Guerre des cartels. Dans une interview donnée dans le cadre du podcast de Team Deakins, Josh Brolin, qui a campé un rôle de premier plan dans les deux films, a tenté d’expliquer pourquoi la suite n’avait pas répondu aux attentes (très hautes) fixées par l’original : « Le [Cinéaste] Stefano Sollima a réalisé le deuxième. Ce qu’il représente, et je n’hésiterais pas à le redire face à Stefano, c’est une plus grande plongée dans l’action. De ce point de vue, c’est merveilleux. Mais il y a quelque chose de vraiment spécial à propos de Sicario, quelque chose de plus contemplatif, d’un peu plus intelligent dans la façon dont tout cela se déroule. »
Sur le papier, Sicario: Day of the Soldado avait tous les attributs d’un projet hollywoodien d’envergure (son budget était bien plus important que celui de Villeneuve). Alors que fans et – certains – critiques ont loué l’esthétique élégante de la suite, bon nombre de cinéphiles se sont pour leur part prononcés en faveur du fait qu’il manquait « le cœur » de l’original. Le directeur de la photographie Roger Deakins, qui a travaillé sur Sicario mais pas sur sa suite, a estimé que de plus gros décors et plus d’action ne participaient pas nécessairement à une meilleure expérience cinématographique : « Sicario 2, voulait montrer qu’il était plus grand et, certes, les séquences d’action étaient incroyables. Je le trouvais incroyablement bien tourné, mais il manquait cette personnalité que Sicario possédait. La scène la plus intense de tout Sicario reste la fin, dans la cuisine, où il n’y a que Benicio [del Toro] et Emily [Blunt] et vous vous dites: « Wow, c’est tellement intense. » Vous n’avez pas nécessairement besoin de toute cette [action]. »
Pour schématiser, l’analyse de Josh Brolin et de Deakins vis à vis des deux Sicario évoque le fait que la voie du premier volet était celle du cinéma d’auteur, tandis que celle du second tendait vers le cinéma Hollywoodien. Et à Brolin de souligner, néanmoins, que rien ne permet d’affirmer que Day of the Soldado est un « produit » inférieur à Sicario, mais simplement qu’il « affecte le public d’une manière différente » : « Différents projets, différentes personnes. Ce n’est pas négatif vis à vis de Stefano. Il est derrière [‘Zero Zero Zero‘] et c’était dans le même esprit. C’était grand, c’était très dramatique, et comme avec «Sicario» [et «Soldado»], il y a une spécificité dans ses choix comportementaux … il y a un choix comportemental dans le ton, dans le placement de la caméra, dans le choix de l’objectif, à quel dégré on place la subtilité. C’est la différence, avec Soldado vous criez ‘wow, wow’ et avec Sicario, vous chercherez à aller plus loin avec votre esprit, et vous savez que cette démarche vous conduira à prendre une gifle en pleine tête, mais vous ne pouvez pas vous empêcher d’aller sur cette voie, et vous le savez. »
De toute évidence, Brolin est un fan du style de Denis Villeneuve et il n’est donc pas surprenant que l’acteur ait rejoint le cinéaste dans sa quête ambitieuse d’adaptation du classique de la science-fiction de Frank Herbert, Dune. Alors que les romans ont la réputation de ne pas être « filmables », les talents combinés de Villeneuve, Brolin et du reste de la distribution globale pourraient, à nouveau, créer un choc cinématographique !
Ci-dessous, notre avis sur le Blu-ray du grand Sicario (initialement paru sur le site avoir-alire.com)
Sortie DVD & Blu-ray : le 8 février 2016
Un classique instantané, qui assoit fermement le duo Villeneuve/Deakins comme le plus prometteur de la génération actuelle et à venir. Cette édition Blu-ray, de haute volée, est un écrin de choix pour ce chef-d’œuvre de 2015.
L’argument : La zone frontalière entre les États-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique l’équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.
Le film : Sicario est, aux côté de Hacker et Mad Max : Fury Road, l’un des films de 2015. Sombre, désespéré, tendu, esthétique, cérébral, généreux et virtuose… Le film de Denis Villeneuve, c’est tout ça et bien plus encore ! En évitant la redite paresseuse de bon nombre de thrillers insipides de ces dernières années, le canadien rejoint Michael Mann, Kathryn Bigelow et Paul Greengrass dans le cercle très fermé des réalisateurs d’actionner « d’auteurs ».
Scénarisé par Taylor Sheridan, Sicario est l’exemple parfait de grand écart entre exercice de style esthétisant et représentation viscérale d’un monde dont l’actualité ne peut que confirmer son instantanéité (les frasques de Joaquín « El Chapo » Guzmán). « La seule façon d’obtenir des infos, c’est de gagner la confiance des gens qui sont le plus touchés par ce trafic : les migrants qui, poussés par le besoin, franchissent la frontière et peuplent le no-man’s land qui s’étend entre le sud de l’Arizona, le Nouveau-Mexique et le nord du Mexique. Ce sont eux, mes sources » clame Sheridan lors de la sortie du film en salles. De cette démarche journalistique résulte un film racé, à la mise en scène virtuose et immersive qui devrait faire du long métrage un classique indémodable ! Le blu-ray propose pour sa part une technique hors-pair qui magnifie le travail d’esthète du géant et multi-nominé aux oscars Roger Deakins… un géant qui, du haut de ses 66 ans, fait preuve d’une maestria sublimant l’écran à chaque instant : du grand art !
Les suppléments :
Sicario est une telle merveille esthétique qu’on a envie d’en apprendre infiniment par le biais des équipes techniques et artistiques… Villeneuve et Deakins en tête. Les interviews du réalisateur et du chef opérateur représentent à ce titre de véritables leçons de cinéma : les deux hommes évoquant avec simplicité et humilité leur travail, et n’oubliant pas de livrer au passage des secrets surprenants (la reconstruction de la zone frontalière pour la scène d’exfiltration). Du boulot passionnant, mais malheureusement trop succinct.
Les Bonus :
– Entretien avec Denis Villeneuve (12 minutes)
– L’aspect visuel (17 minutes)
– Les personnages (14 minutes)
– Les origines (14 minutes)
– La musique (6 minutes)
– Bandes-annonces
L’image :
Un aboutissement stylistique, tant technique qu’artistique, qu’on est pas près d’oublier ! La HD supporte à merveille le travail d’orfèvrerie fourni lors du tournage en décors naturels. Le master est précis, stable et contrasté.
Le son :
La musique, signée par Jóhann Jóhannsson, a été composée aux sortir de la salle de montage. En résulte un maelstrom sonore lourd et pesant, très important dans l’appréhension de cet univers à la noirceur abyssale. Comme pour l’image, il est primordial que la galette restitue au plus précis cette création millimétrée : c’est exactement ce qui se passe avec les deux pistes 5.1 à l’ampleur colossale. Les scènes de fusillades sont aussi assourdissantes que chez Mann et Bigelow…