Nous allons continuer de radoter – mais pour la bonne cause ! Heat reste à nos yeux l’un des sommets indépassables du cinéma des années 90 (et même bien plus que cela), tandis que Michael Mann demeure l’un des derniers grands stylistes hollywoodiens à tenir la barre. Alors autant le redire d’emblée : dès qu’il s’agit de parler de Heat 2, l’excitation est à son comble.
Après avoir été fantasmée, rêvée, évoquée, puis matérialisée sous forme de roman (paru en août 2022, coécrit avec Meg Gardiner… mais nous y reviendrons), la suite de Heat semble enfin prête à franchir le seuil du tangible. Nous avons déjà dit tout ce qu’il y avait à dire sur cet événement. Mais avant d’en arriver là où nous le souhaitons aujourd’hui, voici un petit récapitulatif de ce que nous savons à l’instant T. Lors d’une projection spéciale de Thief (son premier long – premier chef-d’œuvre), Michael Mann a lâché quelques mots à Vulture qui ont suffi à électriser la planète ciné : « Je viens de finir le scénario et j’ai remis la première ébauche. C’est pour [le studio] Warner Bros. » Voilà. Heat 2 est bel et bien là — en tout cas sur le papier. Ce n’est déjà plus un simple fantasme de cinéphile insomniaque. Plutôt que de foncer tête baissée dans une production incertaine, vu le contexte hollywoodien actuel, Mann a pris tout le monde de court en publiant d’abord Heat 2 sous forme de roman. Une décision audacieuse, qui lui a permis d’étoffer les personnages, d’approfondir les trajectoires, et surtout, d’étendre l’univers de Heat dans le temps et dans l’espace. L’intrigue y navigue entre le Chicago de 1988, le Los Angeles post-Heat, la frontière mexicaine, le Paraguay et même l’Asie du Sud-Est. De quoi poser les bases d’un film ample, stratifié, ambitieux à la Godfather Part II – un format que Mann revendique d’ailleurs très clairement.

Une suite qui ne fait rien comme les autres !
Dans l’absolu, le terrain est glissant — le fantasme, diraient certains, mène souvent à la désillusion. Mais ce terrain glissant, c’est sans compter sur Michael Mann dans l’équation. Côté production, rien n’est encore officiellement signé, mais plusieurs noms circulent déjà pour l’écran… et le chantier s’annonce, disons, délicat. Vincent Hanna, jeune ? Le simple fait d’envisager une autre silhouette que celle d’Al Pacino relève presque du blasphème. L’acteur, toujours vif quand il s’agit de transmettre le flambeau, a lui-même soufflé un nom : Timothée Chalamet. Adam Driver, que Mann a déjà dirigé dans Ferrari, serait pressenti pour reprendre le rôle de Neil McCauley jeune – ce personnage devenu culte grâce à Robert De Niro. Le principal intéressé, qui n’a jamais caché son admiration pour le réalisateur de Collateral, entretient toutefois le flou : « Si Michael faisait une lecture dramatique d’une encyclopédie, j’y serais. Mais Heat 2 ? Je ne suis pas sûr. » Enfin, Austin Butler (Elvis, Dune: Part Two) serait en lice pour incarner Chris Shiherlis, l’ex-lieutenant de McCauley, incarné autrefois par le regretté Val Kilmer. Pas de confirmation, mais des éloges appuyés : Butler qualifie Mann de « réalisateur incroyable ». Ce qui, dans ce genre de contexte, vaut presque comme un signe.

La production du film… une fusion à haut risque !
Du côté de Warner Bros., le projet avance… à pas feutrés. Le scénario a bien été remis début 2025, mais le studio hésite encore à enclencher la machine. Pourquoi ? Deux raisons principales. D’abord, un budget estimé à plus de 100 millions de dollars – un sacré pari pour une suite aussi mature, sombre (vous avez dit quasi nihiliste ?), et résolument à contre-courant des standards hollywoodiens actuels. Ensuite, le box-office mitigé de Ferrari a refroidi certaines ardeurs, malgré l’aura intacte de Mann dans les cercles critiques et surtout celui de ses pairs. Pourtant, en coulisses, des signes encourageants filtrent : techniciens, cascadeurs, opérateurs commencent à apparaître dans les bases de données de production, comme autant d’indices que les choses se préparent, lentement mais sûrement. Michael Mann, lui, ne dévie pas d’un pouce : ce sera un film, pas une série. Une œuvre de cinéma, pure et dure. 2h50 estimées au compteur, des tournages prévus entre Chicago, le Mexique, le Paraguay et l’Asie du Sud-Est, une narration éclatée dans le temps… Le géant voit grand. Très grand. Et c’est bien normal quand on connaît le personnage. Mais avec l’âge (82 ans), et la pression d’un héritage à préserver, ce Heat 2 a tout du baroud d’honneur. Son dernier grand casse. Son ultime « détournement de fonds », comme aime à le souligner l’excellent Jean-Baptiste Thoret. Le projet n’a jamais été aussi proche, mais le feu peut encore être étouffé par les frilosités d’un studio ou les aléas d’un marché (et plus largement d’un Hollywood) en crise. Mann, lui, reste fidèle à lui-même : imperturbable, rigoureux, inflexible sur ses choix artistiques. Et décidé à livrer une œuvre d’envergure, à la hauteur de son chef-d’œuvre de 1995. Personne ne doute ici de sa capacité à le faire. Ce qu’on redoute, ce sont les choix des costards-cravates. On l’attend plus que jamais, ce projet ! Et pendant ce temps, certains – comme Don Winslow (le plus grand écrivain contemporain à parler du plus grand metteur en scène encore en activité, selon nous) – continuent de chanter les louanges du roman. Sur X, il incite ses fans à découvrir Heat 2 : « Un roman brillant et captivant, aux personnages riches et réels, avec une narration forte : l’une des plus authentiques représentations de criminels et des flics qui les traquent que j’aie jamais lue. » Et l’objet de ces lignes, finalement ? Simple : vous dire que DcPMag est actuellement en relecture du monumental Heat 2, et que notre toute première critique littéraire arrive… très vite !