Radu Molasar, la « créature » de cette forteresse

The Keep – Le film le plus chahuté de Michael Mann partage des similitudes avec ‘Star Wars’.

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Fort du succès de son premier film, le sublime coup de maître Thief (Le Solitaire), absolument déterminant pour l’ensemble de sa carrière, Michael Mann se lance dans la course à la concrétisation avec un film fantastico-horrifique, The Keep (La Forteresse Noire), en 1983. Le talent inné et flagrant de Mann pour la mise en scène était à l’époque largement pressenti par les studios, mais le cinéaste n’avait pas encore travaillé de projet fort d’un budget à grande échelle, avec tous les risques, les obstacles et les attentes des « costard-cravates » qui en découlent. David White, à l’époque appelé à devenir l’un des maquilleurs les plus chevronnés et impressionnants du milieu, débutait lui aussi et était aux premières loges pour prendre la température des problèmes rencontrés sur ce tournage cauchemardesque : « La production était très britannique, et Michael Mann était en lutte avec eux, en quelque sorte. Il y avait un peu de George Lucas et de Star Wars dans l’air ».

Mann est aujourd’hui notoirement connu des fans et de la critique pour être un acharné du travail. Un maniaque du moindre détail, « le perfectionniste le plus immodéré depuis Stanley Kubrick », que le spécialiste français, Jean-Baptiste Thoret, nomme le « maniaque maestro ». De nos jours, David White est toujours en activité et il vient d’ailleurs de collaborer avec Robert Nosferatu Eggers et ce travail lui a valu une nomination aux Oscars (pour la troisième fois) justement dans le cadre de ladite collaboration. White rappelle au demeurant que la période de The Keep représentait une phase « avant le Michael Mann que l’on connait tous aujourd’hui » et de poursuivre : « Il était un peu nerveux à l’époque ». La Forteresse Noire est connu pour être l’exemple parfait du film charcuté par le studio. Plus que malmené pour de nombreuses raisons, le long métrage a eu du mal à trouver son public dans les années 80, mais il est finalement devenu un classique, dont les différentes versions (mêmes celles dans un état catastrophique) étaient vendues jusqu’à il y a peu une fortune, y compris les VHS. Heureusement, une version  Blu-ray 4K Ultra HD débarque enfin et c’est un véritable événement dans le milieu des collectionneurs. L’évolution de Mann vers son statut de plus grand scénariste/réalisateur/producteur en activité est à présent acquise, mais durant le tournage de The Keep, les problèmes qu’il a pu rencontrer sur le plateau étaient a priori insurmontables. C’est d’ailleurs durant le tournage (le tout début de la postproduction avait parallèlement débuté) que décède Wally Veevers, le superviseur des effets spéciaux visuels. Ceci étant, White (qui évoque à cet instant des similitudes avec le tournage du Star Wars de Lucas) estime que l’équipe était tout à fait à la hauteur des défis à relever : « Mann avait une équipe formidable. John Box était le responsable des décors. Il avait des éclairagistes et des caméramans formidables. Il avait de bonnes personnes autour de lui. C’était un film étrange. Il est très sombre. Ce long métrage était vraiment sombre et déprimant. Bizarrement, ce film [Nosferatu] est à l’opposé, en ce sens qu’il dégage une atmosphère branchée qui est vraiment cool et inspirante. Les deux sont des animaux très différents. »

Le travail d'orfèvre sur la lumière atteint ici son apogée dans The Keep.
Un plan à lui seul suffisant pour témoigner du travail stupéfiant évoqué par White : « Il avait des éclairagistes et des caméramans formidables. » Le travail d’orfèvre sur la lumière atteint ici son apogée dans The Keep.

Le diable se cache dans les détails !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que White est admiratif du travail de son collaborateur actuel : « Robert Eggers est un visionnaire. Cela ne fait aucun doute », a-t-il déclaré avant de d’ajouter : « Ses connaissances historiques lui permettent de plonger au cœur du folklore et des traditions de l’époque. » Non seulement White s’épanouit aux côtés d’Eggers, mais il estime que l’approche du réalisateur en elle-même contribue à faire avancer le film et l’équipe vers le résultat souhaité : « C’est contagieux. Sa vision et son énergie sont contagieuses et vous incitent à faire de votre mieux, quelle que soit la situation. Il a un certain pouvoir sur les gens, et c’est fabuleux. » Chez DCP Mag, c’est indubitablement le travail de Michael Mann qui nous laisse sans voix… mais ça, vous commencez à le savoir ! Cette Forteresse Noire est une véritable « perle noire » qui « questionne avec profondeur les enjeux philosophiques, historiques et religieux [le temps d’un] faux film fantastique, mais véritable film idéologique [prenant la forme d’une] œuvre graphiquement unique en son genre ! » Des propos éclairants signés par l’excellent Yannick Dahan, que vous pouvez retrouver dans Opération Frisson, et qui résument parfaitement tout le bien que nous pensons de ce film maudit, mais néanmoins sublime.

Gabriel Byrne, fidèle à lui-même, livre une prestation magistrale, préfigurant peut-être certains des grands salauds des futurs drames historiques fantastiques. Par certains aspects, son officier nazi dans The Keep semble une ébauche du cruel personnage incarné par Sergi López dans le sublime Le Labyrinthe de Pan.
Gabriel Byrne, fidèle à lui-même, livre une prestation magistrale, préfigurant peut-être certains des grands salauds des futurs drames historiques fantastiques. Par certains aspects, son officier nazi de The Keep semble une ébauche du cruel personnage incarné par Sergi López dans le sublime Le Labyrinthe de Pan.

La sortie de The Keep en 4K Ultra HD Blu-ray est imminente !

Malgré un léger retard chez certains distributeurs comme la FNAC (votre fidèle serviteur vient d’être prévenu), cette édition très attendue promet une copie d’une qualité irréprochable. Après une version limitée aux États-Unis chez Vinegar Syndrome, c’est au tour du public français de découvrir cette magnifique édition, dont un premier visuel a déjà été dévoilé. Nous vous tiendrons informés dès que nous aurons enfin mis la main sur l’objet tant convoité : Un test sera mis en ligne !

Nosferatu sortira, quant à lui, en 4K UHD, Blu-ray et DVD le 31 décembre 2025. Il est annoncé avec une version longue et pas mal de bonus.

Pour Blow Up sur Arte, Thierry Jousse analyse l’œuvre de Michael Mann à travers le prisme de la musicalité. En conclusion de sa vidéo, il souligne avec poésie qu’il pourrait « rester avec le monstre blanc aux yeux rouges et Tangerine Dream, jusqu’au bout de la nuit ; jusqu’au bout de la nuit. » Nous ne saurions que trop vous conseiller de suivre son programme !