Alors que les débats et les tensions autour de l’IA font rage au sein de la profession, le nommé aux Oscars, Paul Schrader, scénariste de Taxi Driver et Raging Bull (Martin Scorsese), a livré son point de vue – controversé – sur la question. L’explosion des IA ces dernières années a touché et ébranlé presque tous les secteurs d’activité. Mais les arts créatifs, au sens large du terme, pourraient être possiblement l’un des secteurs les plus touchés, car les grands studios cherchent à adopter la technologie comme un moyen plus rapide et bien moins onéreux de produire des films (du contenu ?), et ce, en laissant les neurones des êtres humains sur le bord de la route. De fait, la plupart des acteurs, réalisateurs et scénaristes s’opposent catégoriquement à la technologie, l’IA étant l’un des principaux sujets sur la table lors du lancement des grèves conjointes de la WGA et de la SAG-AFTRA en 2023. Mais le point de vue de Schrader diffère de la plupart de ses pairs.
Paul Schrader a récemment publié un message Facebook au sein duquel il décrivait son expérience avec la plateforme d’IA ChatGPT. Le message, très positif, commençait par « Je suis stupéfait ». Schrader a expliqué qu’il avait demandé à ChatGPT de lui proposer des idées de films basées sur le style de différents réalisateurs, et qu’il n’en croyait pas ses yeux : « J’ai demandé à ChatGPT de me proposer une idée de film de Paul Schrader », a-t-il ajouté en précisant : « Puis Paul Thomas Anderson. Puis Quentin Tarantino. Puis Harmony Korine. Puis Ingmar Bergman. Puis Rossellini. Lang. Scorsese. Murnau. Capra. Ford. Speilberg. Lynch. Toutes les idées proposées par ChatGPT (en quelques secondes) étaient bonnes. Et originales. Et étoffées ». Et d’ajouter : « Pourquoi les écrivains devraient-ils passer des mois à chercher une bonne idée alors que l’IA peut leur en fournir une en quelques secondes ? »
Les fans répliquent à Paul Schrader quant à ses commentaires sur l’IA…
Si Paul Schrader peut utiliser sans débat l’IA générative à des fins personnelles, la controverse naît du fait que son espoir est, a priori, de voir d’autres scénaristes adopter cette nouvelle technologie. En toute logique, de nombreux cinéphiles et créateurs ont pris une position particulièrement virulente vis-à-vis de l’IA dans le domaine de la réalisation audiovisuelle. Lorsque A24 a dévoilé les nouvelles affiches du Civil War, d’Alex Garland (début de l’année 2024), les fans se sont empressés de souligner l’utilisation flagrante de l’IA dans la création graphique. Le studio a d’ailleurs reçu des tonnes de réactions négatives à la suite de cette controverse. Plus récemment, David Fincher a admis avoir utilisé l’IA dans le cadre de la réédition 4k de Se7en, ce que certains fans ont, à leur tour, vivement contesté.
Sans surprise, les fans de Paul Schrader n’ont pas apprécié que le bonhomme incite implicitement les studios et les autres scénaristes à adopter l’IA. « Paul is everything ok ? », peut-on par exemple lire dans un commentaire.
Beaucoup d’autres fans mettent en avant le problème le plus flagrant de l’IA générative : elle lit et copie des œuvres déjà existantes, écrites par de véritables êtres humains – pour dire les choses simplement, toute chose générée par l’IA serait au demeurant un plagiat. On peut ainsi lire parmi les réactions : « Pour que tout cela se produise, il faut d’abord qu’il y ait un Paul Schrader, un Paul Thomas Anderson, un Quentin Tarantino, etc. », et de poursuivre de la sorte : « ChatGPT ne peut pas vous donner d’idées si ces écrivains n’ont pas d’abord publié leurs œuvres. » L’IA, dans la réalisation de films, mais dans bien d’autres domaines, sera forcément l’un des sujets brûlants dans les années à venir. L’apparition d’un logiciel (un outil ?) tel que ChatGPT a forcément donné lieu à de nombreux émules, d’autres entreprises s’empressant de créer dans la foulée des « copier-coller » et c’est l’ouverture de la boîte de Pandore qui a eu lieu dans l’industrie. « La bataille est sur le point de commencer », pourrait-on dire !