Le monochromatisme chez David Lynch

David Lynch nous a quittés à l’âge de 78 ans

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David Lynch, l’un des cinéastes qui a, en quelque sorte, remodelé la face du cinéma et offert quelques chefs-d’œuvre en guise d’héritage, est décédé à l’âge de 78 ans. La nouvelle survient quelques jours après que le co-créateur de Twin Peaks – très adulé des cinéphiles du monde entier – ait été évacué de sa maison durant les incendies apocalyptiques de Los Angeles. Né le 20 janvier 1946 à Missoula, au Massachusetts, le célèbre auteur a commencé à fumer à l’âge de huit ans et aura maintenu cette habitude pendant près de 70 ans. Il avait finalement développé un emphysème grave en 2020, déclarant en 2024 à Eileen Finan, du magazine People, « Au fond de l’esprit de chaque fumeur, il y a le fait que c’est malsain, donc vous jouez littéralement avec le feu. »

L’œuvre de David Lynch lui a garantit un héritage hors-normes il y a bien longtemps. Quelques fans citent aujourd’hui, Chris Stevens, personnage de la série TV Northern Exposure, une série d’ailleurs lynchienne, dans laquelle on peut entendre la réplique suivante : « Quand vous êtes quelque part, vous devriez y être pleinement, parce que l’important n’est pas de savoir combien de temps vous restez dans cet endroit, mais ce que vous faites pendant que vous y êtes, et, quand vous partez, est-ce que cet endroit est meilleur parce que vous y avez été ? ».

David Lynch dans une de ses apparition à l'écran les plus touchantes : chez Spielberg pour le magnifique 'The Fabelmans'.
David Lynch dans l’une de ses apparitions à l’écran les plus belles et touchantes : chez Spielberg pour le magnifique The Fabelmans.

Dans sa chanson « Good Day Today » de 2011, Lynch chantait…

« So tired of fire, so tired of smoke. Send me an angel, save me« . « Si fatigué du feu, si fatigué de la fumée. Envoyez-moi un ange, sauvez-moi » disait-il via son chant qui résonne aujourd’hui tristement. Dans son interview accordée à People, Lynch rappelait : « Il peut vous mordre. J’ai tenté ma chance et j’ai été mordu ». D’après certains analystes, l’exécrable qualité de l’air causée par les terribles incendies a probablement précipité la mort du cinéaste. Sa famille a annoncé son décès dans un message publié sur Facebook, le 16 janvier 2025. Le message est le suivant : « C’est avec un profond regret que nous, sa famille, annonçons le décès de l’homme et de l’artiste David Lynch. Nous apprécierions un peu d’intimité en ce moment. Il y a un grand vide dans le monde maintenant qu’il n’est plus parmi nous. Mais, comme il le disait, ‘ gardez les yeux sur le beignet et non sur le trou‘ ». Comme d’aucuns le disent également… L’incandescence de ses cigarettes aura créé un feu qui l’aura suivi et éclairé son chemin jusqu’au bout !

David Lynch et Bill Pullman sur le tournage de 'Lost Highway'
David Lynch et Bill Pullman sur le tournage de Lost Highway

David Lynch laisse un héritage incroyable !

Le réalisateur – insistons, adulé – est à l’origine de Eraserhead, Blue Velvet, Inland Empire, Mulholland Drive, Dune, Sailor et Lula, Lost Highway, Elephant Man et Twin Peaks. Bien que le cinéaste n’ait pas réalisé de long métrage depuis Inland Empire, il a marqué le début du siècle et l’esprit des cinéphiles (et des cinéastes) du monde entier avec son plus que culte Mulholland Drive. L’Obs écrivait à l’époque que « L’expérience est inoubliable. » Vers sa fin de carrière, Lynch revint pour une troisième saison de Twin Peaks en 2017, avec Twin Peaks : The Return, en quelque sorte un film de 18 heures (entièrement écrit et réalisé par Lynch). Les admirateurs du réalisateurs virent en cette création un chef-d’œuvre résumant la carrière du bonhomme, voire « la plus grande saison de série TV jamais réalisée ». Lynch était également peintre, sa passion depuis plus d’un demi-siècle. Les spécialistes décrivent son style comme combinant l’horreur macabre, la sexualité de Francis Bacon avec le primitivisme du pop’art américain du XXe siècle et les abstractions des débuts de l’expressionnisme allemand. Son travail et sa carrière de peintre ont été magnifiquement analysés dans le documentaire biographique David Lynch : The Art Life. On peut également citer un autre grand documentaire sur le cinéaste : Lynch/Oz, qui explore sa fascination de longue date pour le Magicien d’Oz. En outre, Lynch était un musicien passionné qui consommait la musique inlassablement. Peu de cinéastes ont eu autant de musiciens emblématiques de la sphère pop/rock ayant collaboré avec eux sur de nombreux projets. Twin Peaks : The Return en est d’ailleurs une preuve suprême, Lynch ayant filmé un clip à la fin de chaque épisode, mettant en scène différents groupes se produisant dans le bar rustre et tumultueux ‘The Road House’. Nine Inch Nails, Chromatics, The Cactus Blossoms, Hudson Mohwake, Sharon Van Etten… font partie de la liste. Et pour dire au revoir à ce grand admirateur de Nine Inch Nails qu’était David Lynch, on serait tenter de citer Trent Reznor…

What have I become?
My sweetest friend
Everyone I know goes away
In the end

Note de l’auteur :

Mon ami et mentor, Jonathan Broda — réalisateur talentueux et enseignant passionné d’histoire du cinéma et d’analyse filmique — voue une véritable admiration au 7ᵉ art sous toutes ses formes. Parmi son impressionnante culture cinématographique, un nom se distingue pourtant comme étant celui de son réalisateur favori : David Lynch.

Avec son aimable autorisation, je partage ici le texte qu’il a rédigé en apprenant la disparition du cinéaste, un artiste qui aura marqué sa vision du cinéma (et probablement de la vie).

Éléphant Man est mon premier choc cinématographique.
Dune était si différent de Star Wars qu’il m’a fait découvrir l’altérité.
Bleu Velvet m’a fait appréhender l’âge adulte et initié à la culture Pop.
Sailor et Lula avait un côté Punk-Rock qui a percuté tout le monde.
Twin Peaks a changé à jamais les liens entre cinéma et Télévision, ésotérisme et érotisme.
Lost Highway est l’élégance absolue et un cauchemar total.
The Straight Story est son film le plus personnel et le moins lynchien en même temps.
Mulholland Drive est la synthèse de tous se films et son plus grand succès.
Inland Empire boucle sa carrière en revenant aux décors industriels d’Eraserhead.
Twin-Peaks – the Return est un cadeau pour les fans en même temps que son testament.
Le roi David est mort, vive le Roi Lynch qui nous laisse orphelins mais armés d’une œuvre que l’on pourra toujours arpenter :
Fire Walk With Us

Ci-dessus, la bande-annonce de notre Lynch favoris : le grand Mulholland Drive.